Madame Colette Jacob, doyenne de la section
Le docteur Colette Jacob après une spécialisation en gynécologie a choisi de s’orienter vers la médecine scolaire et sociale avant d’assumer les responsabilités de médecin inspecteur départemental en chef de la Moselle.
Dans cette interview qu’elle nous a accordée à l’âge de 97 ans, elle revient sur son parcours professionnel de médecin.
Vous faites le choix de devenir médecin. Pourquoi ? nous sommes alors en 1939, vous êtes une femme ?
Le 1 septembre 1939, j’ai tout juste quinze ans et demi. Je ne suis donc pas encore une femme mais une adolescente venant d’entrer en classe de seconde du lycée Jeanne d’Arc à Nancy.
A cette époque je ne visais pas encore les études de médecine, j’avais simplement dans l’idée de devenir sage-femme. Nous étions cinq enfants à la maison. J’étais l’aînée. J’aimais les enfants, j’étais fascinée par la naissance. Je m’étais même intéressée à connaître le nom de la sage-femme qui m’avait mise au monde.
Comment se déroulent vos études ?
Pour entrer à l’école de sages-femmes qui était située dans le cadre hospitalier de la maternité Adolphe Pinard à Nancy mais qui se trouve désormais au pôle de Brabois, il suffisait à l’époque de la première partie du baccalauréat.
J’ai passé cette première partie à la fin de la classe de première, en juin 1941 pour entrer en octobre suivant à l’école de sages-femmes.
En deuxième année, j’ai suivi les cours de terminale par correspondance pour pouvoir passer la 2ème partie du baccalauréat dans l’idée de m’inscrire en Faculté de médecine.
Une fois sage-femme, j’ai exercé quelque temps en faisant des remplacements, activité poursuivie pendant mes études de médecine, notamment à l’hôpital militaire de Nancy, afin de gagner un peu d’argent de poche jusqu’à mon mariage en décembre 1949. J’étais alors en quatrième année de médecine où les femmes ne représentaient qu’une toute petite minorité.
J’ai obtenu mon diplôme de docteur en médecine puis j’ai passé ma thèse en gynécologie en menant des recherches, à l’époque pionnières et toujours d’actualité, sur les pathologies de l’endomètre.
Vous êtes gynécologue mais vous décidez de vous orienter vers la médecine scolaire et le handicap, pourquoi ?
Le choix de la médecine scolaire
Bien que sollicitée par des confrères afin de m’associer avec eux dans la création d’une clinique, j’ai cependant opté pour la médecine scolaire pour pouvoir m’occuper de ma famille.
En 1969, j’ai souhaité évoluer dans mon cursus professionnel de médecin scolaire contractuel, en passant le concours de l’Inspection de la Santé grâce auquel je suis entrée dans la fonction publique. J’ai alors suivi les cours de l’ENA-Santé, de nos jours l’Ecole des Hautes études de Santé publique de rennes (EHESP). Les femmes y étaient également très minoritaires.
A la sortie de l’école de rennes, dans la foulée des campagnes de vaccination initiées depuis 1955, je me suis occupée dans notre département avec l’aide des présidents d’associations locales d’handicapés, des séquelles de cette maladie paralysante originaire des uSA, la poliomyélite. Cette maladie laissait en effet un jeune à jamais infirme et difforme, ou encore incapable de respirer hors de cet appareil cylindrique en métal qu'on désignait sous le nom de poumon d'acier. La maladie laissant cependant le cerveau intact je me suis donc occupée de créer les conditions dans lesquelles il allait être possible tant aux jeunes de continuer à s’instruire qu’aux adultes de pouvoir être pris en charge dans une structure hospitalière telle celle de Novéant-sur-Moselle dont les résidents pouvaient recevoir l’aide adaptée à recouvrer ou simplement améliorer, leurs facultés motrices.
Et le handicap...
Je me suis penchée sur le handicap, parce que c’était essentiel et donc prioritaire à ce moment-là pour la population de notre département, mais cela n’a toutefois pas représenté la totalité de mon action en tant que médecin inspecteur de santé publique.
C’est néanmoins ce qui, en 1984, m’a valu d’être décorée de l’ordre national du Mérite.
Quel regard portez-vous sur votre carrière ?
J’ai fait carrière dans un domaine qui m’a passionnée et apporté beaucoup de satisfactions aussi bien en milieu hospitalier que dans l’enseignement en école d’infirmières où j’ai donné les premiers cours sur le SIDA, et de sages femmes, ou encore dans l’amélioration des conditions de scolarisation des élèves affectés par le handicap. Ma retraite prise en 1987 a représenté un moment difficile du fait de l’impression de n’être plus vraiment utile à mes concitoyens. La vie s’est cependant faite d’une autre manière. Je me suis notamment occupée de l’association des anciens étudiants de la Faculté de médecine de Nancy, avec mon mari. Nous avons également voyagé et consacré du temps à la lecture, au jardinage et surtout à nos petits enfants.
Et aujourd’hui ?
Actuellement, je prends chaque semaine la permanence d’une petite médiathèque de village avec d’autres bénévoles. Malgré des difficultés grandissantes pour me déplacer, je réside encore chez moi. Je prends également plaisir aux jeux télévisés ou encore à remplir des grilles de sudoku. Je garde le contact avec mes enfants dont deux ont également fait des études de médecine en spécialistes.
Quels conseils donneriez-vous à un étudiant aujourd’hui ?
Le seul conseil que je ne me suis jamais autorisée à donner à un étudiant qui débutait ses études de médecine et m’avait sollicitée, a été de persévérer sans se décourager. Cet étudiant est de nos jours professeur de chirurgie cardiovasculaire.